Le Lion d´Or

Ces années là, un lion mythique
Habitait la cité antique
Entre des murs qui se lézardent
Et une fontaine en pays Sarde
Bien camouflé, geule béante
De son haleine étourdissante
Faisait tomber la proie facile
Qui n´avait su suitter la ville

Patient comme un coupeur de têtes
Attendait qu´un tram s´arrête
Trouvait parmis les voyageurs
Plus d´un repas pour son quatre heures
Avalait tout rond sa victime
La relachait à l´heure du crime
Ne sachant plus trop marcher droit
Et tentant de rentrte chez soi

Le lion dort, le lion veille
Le lion ne dort que d´une oreille


C´est moi, un jour, sans me méfier
Qui ai chuté dans son gosier
Au côté de quelques épaves
Des ratés silencieux et graves
Les yeux rougis par la fumée
Aucun d´eux ne m´a vu entrer
Tous avaient l´air si résignés
Ne tentant rien pour s´échapper

Puis le soleil s´en est allé
Derrière ses dents bien aiguisées
Alors la rue m´a parue sombre
Les hommes étaient comme des ombres
Et ma salive se faisant rare
J´ai commandé un coup à boire
On m´a servi bien volontiers
Comme un très vieil habitué

Le lion dort, le lion veille
Le lion ne dort que d´une oreille


Puis je me suis senti à l´aise
Attablé dans cette fournaise
Quand quelqu´un m´a jeté dehors
Alors que j´avais soif encore
Entouré de maisons qui dansent
J´ai voulu briser le silence
Voir des lumières à leurs fenêtres
Me faire croire qu´un jour devait naître

À ce moment un grand seau d´eau
M´a vraiment fait froid dans le dos
Et pourquoi les humains sans trêve
Espèrent faire échouer mes rêves
Mais dans ma tête alcoolisée
J´oublie déjà l´humanité
En pissant des litres de bière
Debout sur un vieux mur de pierre

Le lion dort, le lion veille
Le lion ne dort que d´une oreille


Des mois plus tard, passant par là
J´ai revu la bête aux abois
Mais m´approchant un petit peu
J´ai remarqué son oeil vitreux
Qui aurait cru que des chasseurs
Pourraient tuer ce lion sans peur
Sans doute n´était pas sur ses gardes
Endormi dans la cité sarde

Car il est là, n´y étant plus
Aussi vivant qu´une statue
Toisant la place, fier et factice
En cachant bien ses cicatrices
Et je le vois d´un oeil navré
Tenter encore de m´effrayer
Mais devant moi, rempli de paille
Le lion ne rugit plus mais baille

Le lion dort, le lion veille
Le lion dort sur ses deux oreilles